cailloux*

*fragments cohérents qui ne sont pas assez volumineux pour être appelés blocs et qui ont une forme plus ou moins arrondie.

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31 déc. · 2 mn à lire
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cailloux n°115

there is enough for everyone

Edi Dubien, aquarelleEdi Dubien, aquarelle

Dernièrement, j’ai écouté deux podcasts bouleversants : L’autodéfense des enfants de Charlotte Bienaimé et À cœur ouvert de Léa Chatauret, qui ont un point commun pas évident au premier abord : les violences faites aux enfants.

Le premier permet de suivre un atelier d’autodéfense verbale et physique à destination d’enfants d’une école primaire, c’est joyeux, émouvant et terriblement important. J’aimerais que tous les enfants puissent avoir accès à une telle ressource.

Le second fait le récit de la greffe de cœur subie par le père de la documentariste ; une crise du soma qui engendre une ouverture psychique chez cet homme de presque soixante ans, qui, après des années de silence, se met à parler de son enfance.

Écoutez les deux, vraiment.

*

C'est dans cette tradition-là que j'ai voulu m'inscrire en écrivant : donner la parole à des personnes silenciées, publier des récits qui ont été étouffés ou n'ont pas eu la place de se former.

J’ai lu Je suis une fille sans histoire d’Alice Zeniter. Partant de la Théorie de la Fiction-Panier d’Ursula Le Guin, elle détricote la façon dont la fiction nous émeut, nous déplace, oriente notre pensée, mais aussi ce que la fiction ne peut pas. Le récit est fluide et drôle, on sent que cela a d’abord été écrit pour la scène et bien adapté en livre. C’est réjouissant !

*

Tu es un animal, frœur Dex. Tu n'es pas autre. Tu n'es pas à part. Tu es un animal. Et les animaux n'ont pas de but. Rien n'a de but. Le monde existe, point final. Si tu veux accomplir des actes qui profitent à autrui, parfait ! Merveilleux ! Moi aussi ! Mais si je voulais m'enfoncer dans une grotte et regarder les stalagmites avec Grenouille pour le restant de mes jours, ce serait tout aussi parfait et merveilleux. Tu n'arrêtes pas de demander pourquoi ton travail ne suffit pas, et je ne sais pas quoi te répondre, parce qu'exister dans le monde et l'admirer, ça suffit. Tu n'as pas besoin de justifier ni de mériter ton existence. Tu as le droit de te laisser vivre. C'est ce que font la plupart des animaux.

J’ai également lu, sur les conseils de Pauline, Un Psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers, traduit par Marie Surgers. Cela se passe dans un monde où l’imminence du danger a incité les humains à repenser leur mode de vie, pour le meilleur. Dans ce monde, Frœur Dex est moine de thé, se déplaçant de village en village avec sa roulotte pour servir des boissons chaudes qui apaisent les âmes blessées.

Ce n’est pas exactement pareil, bien entendu, mais ce dispositif m’a fait penser à ce que j’essaie de faire dans mon travail : aller-vers, proposer de prendre un temps ensemble où même ce qui est douloureux peut-être déposé – être moine de thé-rapie en quelque sorte.
Cela me rappelle D.W. Winnicott, pédiatre anglais devenu psychanalyste, qui proposait des biscuits et du café à ses patients et patientes. Cela me rappelle aussi un article lu récemment (lequel ? impossible de le retrouver) sur une médiation auprès d’adolescents, à la suite de laquelle les thérapeutes leur proposent de boire une tisane, comme pour mieux incorporer ce qui vient de se passer.

Il me tarde de lire le second tome, Une prière pour les cimes timides, pour baigner de nouveau dans cet univers désirable, qui laisse deviner ce à quoi nos vies pourraient ressembler si nous choisissions la sobriété plutôt que de la subir.

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Et puis, j’essaie ici de ne pas coller à l’actualité (d’autre la commentent mieux que moi) mais en cette période de fêtes bien sombres, je trouve la justesse des mots de Stephanie Fox importante à partager.

Israeli and Palestinian safety and lives are intertwined. Imagine a shared future rooted in a society without supremacy, domination, and oppression. A lasting peace, built on the basis of freedom, justice, and equality for all. Imagine, for a moment, replacing the racist fantasy of a “land without a people” with the reality of a land for all of the people.
The miracle of resistance I choose to honor this Hanukkah is the one favored by the rabbis of the diaspora. When the Maccabees restored the temple, they only found one jar of oil, barely enough to keep the menorah lit for one day. Yet, it lasted eight days, the time it takes to press olives into a new jar of oil. This Hanukkah, I want to teach my five year old to really study the miracle of that oil: there is enough. There is enough for everyone.

J’ai débuté l’année 2023 avec comme devise

Please, be kind, especially when we don’t know what’s going on.

J’emporte avec moi celle-ci pour 2024

There is enough for everyone.