Ces derniers temps j’ai beaucoup lu et écouté sur le sujet des violences sexuelles faites aux enfants. Je ne vous mettrai pas ici la liste complète, ce serait un peu indigeste, mais je voulais partager quelques choses qui me semblent particulièrement intéressantes à partager.
Je conseille vivement l’écoute de ce podcast créé par Joanna Smith, à partir de son ouvrage Protéger son enfant des violences sexuelles, que vous soyez parent ou non. Il présente de manière très accessible ce que l’on apprend des statistiques sur le sujet mais surtout il éclaire les mécanismes qui sous-tendent ces violences.
Si je devais en extraire une idée principale, ce serait que les violences sexuelles sont avant tout des violences ; il s’agit d’un des modes (extrême) de l’expression de la violence.
Et pour protéger (autant qu’on le peut bien sûr) les enfants et les futurs adultes des violences sexuelles, il faut, en tant qu’adultes, les protéger de la violence, qu’elle soit physique, psychologique ou sexuelle. Il faut respecter leurs limites, en poser, et leur apprendre à respecter celles des autres. Et ça, ça commence dès la petite enfance, ça ne peut pas émerger tout seul, d’un coup, au moment où les ados commenceraient à se questionner sur les relations amoureuses ou sexuelles.
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Cet extrait d’un article de Sophie Fontanel sur le consentement, qui date de 2019 et résonne avec cela :
Je me souviens de Marc, un ami de mes parents. J’avais 12 ans et, lui… la cinquantaine. Je le trouvais irrésistible, une sorte de Gary Cooper, et j’aimais le respirer. Il m’adorait. Une fois, on faisait tous la sieste, étendus sous des arbres dans le sud de la France. J’ai roulé contre son dos pour le respirer avec encore plus d’insistance que d’habitude. Au milieu du sommeil de tous les autres, je ne sais pas ce que j’essayais, mais j’essayais. Il s’est défait de mon étreinte, s’est retourné et, avec une fermeté totale qui ne m’a pas échappé, m’a dit : « Stop ». D’un simple mot, il m’a permis de grandir sans me perdre dans un dédale.
C’est ça, un adulte.
[…]
Ce Marc a bien vu que, si je consentais à tout, c’est parce que je ne savais rien. Il a vu que « pressentir », ce n’était pas « savoir ». Il a vu que « rêver », n’est pas « savoir ». Il a vu que, enfant, bah j’étais assez consentante, comme souvent les enfants : je consentais aussi à manger tous les bonbons à la fois, à rester au soleil des heures, à écraser des abeilles avec la fourchette, à traverser hors des clous… Il a vu.
Et il a dit : « Stop ».
Parce que c’est ça, un adulte.
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Le gaslighting est une technique de manipulation visant à faire douter une personne de ses propres connaissances, perceptions, voire de sa propre existence – ce qui n’est pas sans rappeler L’effort pour rendre l’autre fou décrit par Harold Searles. J’ai mis du temps à me souvenir de la définition de ce terme jusqu’à ce que j’apprenne qu’il vient d’un film, Gaslight de George Cukor, dans lequel un homme fait croire à sa femme que les variations de lumière (obtenue par le gaz d’éclairage, gaslight) qu’elle perçoit dans la maison sont une vue de son esprit, afin de cacher ses funestes intentions.
Je n’ai pas encore vu le film mais j’ai très envie de le regarder depuis que j’ai écouté Hélène Frappat dans le Bookclub en parler avec tant d’enthousiasme. Je trouve très intéressant la manière dont elle explique que la victime se sort de la manipulation par la présence d’un tiers qui fait office de témoin de la réalité, et donc témoin de la manipulation. Je me suis dit que pour beaucoup de personnes la question de l’estime de soi n’était pas peut-être pas tant du côté d’un “croire en soi” que dans le fait d’arriver à se croire soi-même.
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Gwendoline Desnoyers, Une vie de regrets, Arbitraire, 2023
Parmi les livres de mon début d’année, j’ai aimé Une vie de regrets, consacré à l’œuvre de Gwendoline Desnoyers, paru chez Arbitraire. C’est très beau, parfois violemment émouvant.
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Et puis inspirée par The Cosmic Wheel Sisterhood et par la série Histoires de moine et de robot de Becky Chambers dont j’ai parlé récemment dans les cailloux, j’ai créé un petit jeu introspectif, qui s’appelle le Bricoracle. On peut y jouer depuis son smartphone ou son ordinateur, en touchant ou cliquant sur l’écran. Il ne s’agit pas un oracle divinatoire, plutôt un outil ludique et projectif pour réfléchir à ce que l’on désire, sonder ses pensées, entrer en dialogue avec soi-même. Il suffit de poser une question ouverte (commençant par exemple par “pourquoi” ou “comment”) et le Bricoracle proposera une réponse sous forme de carte accompagnée de quelques mots qui peuvent servir de clé d’interprétation. Ensuite, libre à vous de l’interpréter (ou de décider qu’elle ne vous plaît pas et d’en tirer une nouvelle !)