cailloux n°50

des langues en exil

cailloux*
3 min ⋅ 01/12/2019

Ça a commencé dimanche dernier, lorsque j'ai appris l'existence de l'autrice Jhumpa Lahiri. Née au Royaume-Uni de parents bengali, elle a grandi aux États-Unis et est devenue célèbre en écrivant en anglais. Il y a quelques années elle s'est mise à écrire une prose mesurée dans une langue étrangère, l'italien, après s'être installée à Rome. C'est cette expérience d'exil linguistique qu'elle raconte dans In altre parole (In Other Words en anglais, traduit par Ann Goldstein, En d'autres mots en français, traduit par Jérôme Orsoni). Sur le désir incompréhensible de s'approprier une langue avec laquelle elle n'entretient aucun lien. Elle raconte cependant que son premier contact avec l'italien avait sans doute été facilité par sa lecture patiente et passionnée des Métamorphoses d'Ovide, en latin, lorsqu'elle était étudiante.

Mercredi soir je suis allée à un Café-Signe. Ce sont des rendez-vous hebdomadaires qui permettent des rencontres entre personnes sourdes et entendantes, autour d'une langue commune – plus ou moins bien maîtrisée selon les locuteurs : la langue des signes. Pendant deux heures, je me suis efforcée de m'exprimer dans cette langue qui m'est étrangère et surtout de déchiffrer ce qui était dit devant moi, m'accrochant aux mots familiers.

Souvent, la nuit suivante, mes rêves sont entrelacés de signes. Je crois que c'est parce que mon esprit était réglé sur cette modalité qu'en rentrant j'ai décidé de lire le livre de Jhumpa Lahiri – en italien. Je ne parle pas italien, hormis lorsque je répète les phrases absurdes que me propose le hibou de duolingo, mais alors l'idée me semblait tout à fait pertinente. Un peu à la manière de l'autrice lorsqu'elle s'est plongée dans le poème d'Ovide, j'ai commencé à lire. Je me suis rendu compte que je comprenais ce que je lisais, presque sans effort tant l'écriture est simple, avec un effet de dépaysement, de flou plaisant.

Je lis lentement, en prononçant les phrases pour moi-même. De temps en temps, je traduis un passage dans ma tête et j'apprécie le dénuement de cette langue.

Voglio attraversare un piccolo lago. È veramente piccolo, eppure l'altra sponda mi sembra troppo distante, oltre le mie capacità. So che il lago è molto profondo nel mezzo, e anche se so nuotare ho paura di trovarmi nell'acqua da sola, senza nessun sostegno.

Je veux traverser un petit lac. Il est vraiment petit, et pourtant l'autre rive me semble trop éloignée, au-delà de mes capacités. Je sais que le lac est très profond au milieu et bien que je sache nager, j'ai peur de me retrouver seule dans l'eau, sans aucun soutien.

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Apparemment, il sera bientôt possible d'apprendre le yiddish sur duolingo, mais on ne sait pas encore quel yiddish exactement (je me garderai bien d'en parler à ma grand-mère, qui répondrait immédiatement que ce-n'est-pas-comme-ça-que-[sa]-mère-le-parlait, rien à voir avec sa mamelushn).

Some felt that it was best to use a Hungarian Yiddish pronunciation since that is the predominant dialect among American Hasidim. Others supported the standard Yiddish pronunciation typically used in academic courses, arguing that it is easiest to teach, as its phonology is the closest to how Yiddish is written. Still others proposed a compromise: teaching the Ukrainian Yiddish pronunciation that was historically used in Yiddish theater.

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De l'usage détourné de logiciels de vidéoconférence pour créer des lignes de radio pirate pour la diaspora Hmong.

Once you’re in, it’s easy to get lost in the aural sensation of hearing a language you don’t often encounter; as someone who doesn’t understand Hmong, it’s enveloping, almost nerve-wracking to listen in via phone, a communication mode we think of as private, two-way, and closed. For non-Hmong speakers, the only hints of each show’s topic come from the occasional English words sprinkled in: “B2 Bomber,” “Iran,” “recreational marijuana,” “California Assembly,” “CNN dot com.”

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Every refugee is alike, but each generation fails refugees in its own special way.
Only one person dies at a time.

Teju Cole

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